Le Laguiole, parfois appelé Fourme de Laguiole, est un fromage à pâte pressée au lait de vache originaire de l’Aubrac, un haut plateau du centre-sud du Massif central, en France. Il tire son nom de la commune de Laguiole, située dans le département de l’Aveyron. Le Laguiole est protégé en France depuis 1961 par une AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) et dans toute l’Union Européenne depuis 1996 par une AOP (Appellation d’Origine Protégée).
Histoire
La fromagerie est une longue tradition dans l’Aubrac. Pline l’Ancien, un écrivain et naturaliste romain du Iᵉʳ siècle, évoquait déjà la fabrication de fromage dans la région. Des écrits datant du IVe siècle indiquent également que du fromage était fabriqué sur ces terres.
La Domerie d’Aubrac fut fondée vers 1120. Elle devait servir de protection et d’auberge pour les pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Les moines de l’abbaye défrichèrent les forêts et en firent des pâturages pour les chèvres, les moutons et les vaches. De vieux documents datant du XIIe siècle font état de troupeaux comptant jusqu’à 8 000 têtes, dont certains venaient de loin pour être acheminés vers les pâturages d’été dans les montagnes entourant l’abbaye. Traditionnellement, la période de pâturage sur les alpages durait du jour de la Saint-Urbain (25 mai) au jour de la Saint-Géraud d’Aurillac (13 octobre).
Ce sont également les moines qui ont domestiqué la vache Aubrac. Les vaches Aubrac sont une race résistante, particulièrement adaptée à la vie sur les hauts plateaux. Pendant des siècles, elles ont fourni le lait pour la fabrication de la Fourme de Laguiole. En 1981, la Holstein a été introduite et a progressivement supplanté l’Aubrac. Le rendement laitier des vaches Holstein est nettement plus élevé, mais la teneur en protéines de leur lait est plus faible. Cela a entraîné une baisse de la qualité du fromage. De plus, les vaches Holstein avaient du mal à s’adapter à la vie en altitude. Pour cette raison, la race Simmental, originaire de Suisse, a finalement été introduite. Celle-ci offrait une bonne production de lait, une teneur élevée en protéines et était parfaitement adaptée à la vie dans les prairies alpines.
Les moines ont établi un système de troc et de vente dynamique avec leur fromage. Ils recevaient du Languedoc des fruits et du sel en échange de leur fromage. Le fromage que les moines fabriquaient en été dans les alpages servait en outre de nourriture en hiver aux nombreux pèlerins qui se trouvaient sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Les moines ont mis au point une sorte de ragoût à base de pain et de fromage et chaque fois qu’un pèlerin frappait à leur porte et demandait « quelque chose » (en latin « aliquid ») à manger, ils lui offraient ce ragoût fortifiant. Avec le temps, « aliquid » est devenu « aliquot » et finalement « aligot » en patois occitan. Au XIXe siècle, le pain a été remplacé par des pommes de terre et l’aligot, une purée de pommes de terre mélangée à du Laguiole et assaisonnée d’ail, est né. L’aligot est aujourd’hui encore le plat emblématique de l’Aubrac.
Pendant les troubles de la Révolution française, les moines furent chassés de leur abbaye et de riches propriétaires terriens prirent leur place. Les paysans qui leur étaient soumis conduisaient alors le bétail sur les pâturages d’été dans les montagnes à la place des moines. Durant des mois, ils dormaient dans de maigres cabanes en pierre, les « burons », creusées dans la roche. Ils y fabriquaient du fromage (« fourmes ») avec le lait de leurs vaches et le stockaient à l’arrière des cabanes jusqu’à son transfert en automne. Dans un buron vivaient généralement quatre « buronniers » : le « cantalès », responsable de la fabrication du fromage, le « pastre », qui trayait le bétail, le « bédelier », qui gardait les veaux et le « roul », un apprenti.
Au fil du temps, la réputation du Laguiole dépassa largement la région de l’Aubrac et la demande augmenta rapidement. En conséquence, de plus en plus de burons furent construits. Au début du XXe siècle, on comptait 300 burons, dans lesquels 1200 buronniers produisaient environ 700 tonnes de fromage. Le village de Laguiole servait de grand centre de distribution pour le fromage.
Les buronniers ont mis au point un système particulier pour conserver le fromage le plus longtemps possible et pouvoir le vendre même au printemps. Pendant l’été, ils stockaient les fromages dans leurs burons. En octobre, juste avant la désalpe, ils triaient les fourmes. Ils emmenaient ensuite celles qui se conserveraient probablement le mieux et le plus longtemps à l’abbaye d’Aubrac, située à 1 300 m d’altitude, soit environ 300 m au-dessus de leurs pâturages d’été. Là, les températures étaient constantes tout l’hiver, entre 0 et 2 °C. À ces températures, la maturation ralentissait, voire s’arrêtait complètement. L’année suivante, en avril, on se frayait un chemin à travers la neige jusqu’à l’abbaye et on ramenait dans la vallée les fromages qui y étaient entreposés. De cette manière, les fermiers disposaient toujours de suffisamment de fromage à vendre au printemps et en été, avant que le nouveau fromage ne redescende des alpages dans la vallée à l’automne.
En 1897, les paysans de montagne de la région se sont regroupés en un syndicat de vente (Syndicat agricole et fromager de Laguiole). Celui-ci s’est transformé en 1940 en un groupement d’intérêt (Syndicat de défense et de perfectionnement) doté de son propre label de qualité.
Après la guerre, la production du Laguiole a chuté de manière drastique. En 1955, on ne comptait plus que 50 burons, qui ne produisaient plus qu’environ 25 tonnes de Laguiole par an. En 1960, quelques jeunes bergers de montagne ont finalement créé la coopérative Jeune Montagne, qui a notamment aidé les jeunes agriculteurs à acheter les outils nécessaires à la fabrication du fromage et à s’établir sur le marché. En 1961, Jeune Montagne a obtenu l’agrément du Laguiole en tant que fromage AOC. Aujourd’hui, Jeune Montagne est le principal producteur de Laguiole. Aux côtés de deux autres fromageries, ils atteignent à nouveau une production annuelle d’environ 700 tonnes de Laguiole. Cela correspond à peu près à la production annuelle du début du XXe siècle.
Aujourd’hui encore, le Laguiole est fabriqué selon la tradition artisanale. La période de production ne se limite toutefois plus aux mois d’été, de mai à octobre, mais s’étend sur toute l’année. Seul est utilisé le lait cru et non traité de la vache tachetée locale (Simmental) ou de la vache Aubrac, qui se nourrissent de manière conforme à leur espèce au moins 120 jours par an dans les prairies alpines. Lorsqu’il n’y a pas de fourrage frais dans les prairies ou pendant les mois d’hiver, les animaux sont nourris avec du foin de la région. L’alimentation à base d’ensilage est interdite.
Le Laguiole ne peut être fabriqué que dans 19 communes des départements de l’Aveyron et de la Lozère, ainsi que dans une commune du Cantal au sud de l’Auvergne, situées sur l’Aubrac, un plateau basaltique de 800 à 1400 mètres d’altitude. Le lait utilisé pour la fabrication du Laguiole est fourni par 75 producteurs laitiers au total. La production annuelle d’une vache est limitée à 6 000 litres.
Fabrication
Pour fabriquer le Laguiole, le lait cru non traité est emprésuré puis coupé. Le caillé est brassé puis laissé au repos afin qu’il descende au fond du chaudron. Le petit-lait qui s’est formé est retiré. Le caillé est ensuite transféré manuellement dans des toiles. Il est ensuite pressé pendant au moins 12 heures dans celles-ci. Il est ensuite broyé une deuxième fois, la pâte est salée et placée dans un moule recouvert d’une toile spéciale. Le fromage est à nouveau pressé et reçoit alors une empreinte avec un poinçon. Cette empreinte comporte le nom de Laguiole ainsi que son emblème, un taureau. Le Laguiole est ensuite affiné dans des burons à une température inférieure à 14 °C pendant au moins 4 mois, mais le plus souvent entre 6 et 12 mois, parfois jusqu’à 18 mois. Pendant cette période, le fromage est régulièrement lavé et retourné à la main.
Aspect et goût
Le Laguiole se présente sous la forme d’une fourme haute d’environ 30 à 40 cm de diamètre, la hauteur de la meule étant presque égale au diamètre. Le rapport hauteur/diamètre est de 0,8 à 1. Son poids est compris entre 25 et 50 kg. La croûte est épaisse et sèche, de couleur blanchâtre à grise ; selon le degré de maturité, sa couleur peut évoluer vers le gris ambré et le gris pierre. La pâte est de couleur ivoire à paille ; sa consistance est souple et élastique. À mesure qu’il mûrit, le Laguiole devient plus friable. Sa teneur en matières grasses est de 45 %.
Outre le Laguiole ordinaire, qui est produit toute l’année, il existe une autre variété traditionnellement produite entre mai et octobre dans les pâturages alpins. Ce fromage porte sur son étiquette la mention « Buron ». La mention « Buron » est réservée à un fromage produit à partir du lait d’un seul troupeau, trait pendant la période du 25 mai au 13 octobre et pâturant pendant toute cette période dans des prairies de montagne situées à plus de 1 000 mètres d’altitude. Pour bénéficier de cette appellation, les fromages doivent être fabriqués dans un cabanon traditionnel construit à cette altitude et utilisé comme fromagerie pour les rendements d’un seul troupeau. Les constructions mobiles ou les constructions légères telles que les cabanes en bois ne sont pas autorisées par la réglementation européenne.
Utilisations culinaires
Le Laguiole se consomme traditionnellement avec du pain et, en tant que fromage râpé, il est souvent utilisé pour gratiner des soufflés et des gratins. Il est également un ingrédient indispensable de l’aligot, une purée de pommes de terre à l’ail et au Laguiole.