Le Sbrinz, autrefois appelé « Spalenkäse », est un fromage à pâte dure au lait cru de vache, fabriqué en Suisse centrale. Le Sbrinz compte parmi les plus anciennes variétés de fromage d’Europe et est considéré par certains comme le « père des fromages à pâte dure ». La plus grande partie de la production est exportée dans le nord de l’Italie. Le Sbrinz est protégé depuis 2002 par une AOP (Appellation d’Origine Protégée) en Suisse.
Histoire
L’histoire du Sbrinz remonte loin dans le temps, jusqu’aux Celtes qui colonisèrent la Suisse dans l’Antiquité et qui maîtrisaient déjà l’art de la fromagerie des siècles avant la naissance du Christ. On pense que le fromage fabriqué à cette époque est un précurseur du Sbrinz actuel. La première mention écrite du Sbrinz date de 1530. Au Moyen Âge déjà, le fromage était une marchandise très prisée, transportée en grandes quantités par des mulets le long de la « route du Sbrinz » (Via Sbrinz) depuis le lac des Quatre-Cantons, via les cols du Brünig, du Grimsel et du Saint-Gothard, et vendue à Magadino, sur le lac Majeur, contre du sel et du vin. En revanche, les exportations de Sbrinz vers le nord étaient et sont toujours rares, ce qui explique que ce fromage soit peu connu en Allemagne.
Le Sbrinz est étroitement apparenté au Berner Hobelkäse. Ce dernier est toutefois moins salé et, avec un poids de 5 à 16 kg, nettement plus petit que le Sbrinz. Cela s’explique notamment par le fait que le Berner Hobelkäse n’était guère destiné à l’exportation et au transport sur de longues distances, mais était principalement vendu en Suisse. Il nécessitait donc moins de sel de conservation et les meules étaient de gabarit plus modeste.
Le nom Sbrinz vient probablement de la localité de Brienz, dans le canton de Berne. C’est à Brienz qu’une grande partie du fromage était collectée avant d’être transportée en Italie par des sentiers muletiers. Là-bas, le fromage qui venait de Brienz était appelé « fromage de Brienz ». Au fil du temps, en Italie, le préfixe « S » a été ajouté au nom et le fromage de Brienz est devenu le Sbrinz. Selon une autre théorie, il est possible que le nom Sbrinz soit lié au mot roumain « brinza » et au mot dalmate « brenza » (une variété de fromage de brebis).
Jusqu’au début du XXe siècle, le Sbrinz était également appelé « Spalenkäse ». Cette appellation provient probablement de la manière dont le fromage était transporté. On appelait autrefois « Spalen » de petits tonneaux, principalement en bois d’épicéa, dans lesquels on transportait les meules de fromage. Ces petits tonneaux pouvaient contenir environ 80 kg, soit deux à trois meules de Sbrinz. Les tonneaux étaient attachés sur le dos des mulets.
À l’origine, le Sbrinz n’était fabriqué que dans les alpages. Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle, lorsque des fromageries ont fait leur apparition dans la vallée, que la fabrication du Sbrinz est devenue plus facile et plus rentable et que la production a augmenté massivement. Aujourd’hui, le Sbrinz est encore fabriqué dans 30 fromageries en Suisse centrale (situation en 2016). Selon le cahier des charges, les sites de production doivent tous être situés dans les cantons de Suisse centrale de Lucerne, Schwyz, Obwald et Nidwald, Zoug, le district de Muri (canton d’Argovie) et les communes d’Obersteckholz, Lotzwil et Langenthal (canton de Berne). Les bassins laitiers des fromageries Walde, Steinenbrücke et Schönenberg se trouvent dans les districts See, Gaster et Neutoggenburg du canton de Saint-Gall. La distance entre l’exploitation laitière et la fromagerie ne doit pas dépasser 30 km.
Seul du lait non traité provenant de la région peut être transformé en fromage, conformément aux normes de l’AOP suisse, et le fromage doit ensuite également être affiné dans sa région d’origine. Plus de 600 litres de lait de vache sont nécessaires pour fabriquer une meule de Sbrinz de 45 kilos. Au total, la production annuelle se situe entre 1 650 et 2 000 tonnes.
Fabrication
Pour fabriquer le Sbrinz, le lait cru est chauffé dans un « käskessi » (chaudron en cuivre) tout en étant remué, puis caillé en 30 minutes avec de la présure. Le caillé est ensuite découpé en grains de la taille d’un grain de blé à l’aide d’un tranche-caillé. Puis, le caillé est chauffé (« cuit ») à 56 °C, ce qui permet de séparer davantage de petit-lait. Le caillé est ensuite versé dans des moules, puis pressé pendant au moins 10 heures à une pression pouvant atteindre 1 200 kilogrammes, tout en étant retourné plusieurs fois.
Les meules sont ensuite mises en saumure pendant au moins 15 jours à une température comprise entre 10 et 15 °C dans une cave. Le salage des meules permet d’obtenir une croûte ferme et une absorption du sel dans la zone périphérique. Après le salage, les meules sont lavées avec une brosse et beaucoup d’eau. En même temps que le lavage, les arêtes sont cassées à la main.
Le Sbrinz est ensuite affiné dans une cave pendant au moins 20 jours à une température comprise entre 12 et 18 °C. Pendant cette période, un film gras naturel, humide et brillant, se forme à la surface, raison pour laquelle on qualifie également cette période de « transpiration ». Les meules sont frottées chaque semaine à l’aide d’un chiffon. Enfin, le Sbrinz est affiné en position verticale à une température de 9 à 14 °C et à un taux d’humidité relative de 60 à 75 % jusqu’à maturation complète.
Les 12 premiers mois d’affinage doivent se dérouler dans l’aire géographique, conformément au cahier des charges de l’AOP. Le Sbrinz peut être vendu au plus tôt à l’âge de 16 mois. En général, le Sbrinz n’est pas commercialisé avant 2 ans, et il n’est pas rare que la durée d’affinage soit de 3 ans ou plus.
Aspect et goût
Le Sbrinz se présente sous la forme d’une meule cylindrique d’un diamètre de 50 à 62 cm, d’une hauteur de 14 à 17 cm et d’un poids de 35 à 48 kilogrammes. La croûte est sèche et de couleur claire à jaune doré, la pâte est de couleur ivoire à jaune clair. La consistance de la pâte est très dure, friable et légèrement cristalline. Elle ne présente que peu ou pas de trous. Le Sbrinz a un goût très caractéristique, piquant et corsé, qui s’accentue avec l’âge. Sa teneur en matières grasses est de 45 %.
Utilisations culinaires
En raison de sa consistance très dure, le Sbrinz ne peut pas être coupé, mais est généralement raboté en rebibes. Pour ce faire, on utilise un outil spécial, appelé « ciselet », qui ressemble à un couteau à Parmesan.
Le Sbrinz peut être utilisé comme substitut du Grana Padano, du Parmigiano Reggiano, du Pecorino ou d’autres fromages italiens à pâte dure. Il peut être vendu à la pièce, en rouleaux, en petits dés ou râpé. Le Sbrinz est idéal pour les plats de pâtes ou pour accompagner du pain. Comme vin d’accompagnement, il est recommandé d’opter pour des vins blancs secs et corsés.